Publié le 15 mai 2024

La transformation réussie d’une passoire énergétique au Québec ne réside pas dans l’achat du plus gros système de chauffage, mais dans une stratégie de sobriété radicale où l’on élimine d’abord le besoin en énergie.

  • Réduisez drastiquement la demande énergétique par une isolation et une étanchéité de l’enveloppe bien au-delà des anciennes normes.
  • Intégrez des systèmes passifs (masse thermique, orientation solaire) et des matériaux perspirants (chanvre) pour que votre maison régule naturellement sa température et son humidité.

Recommandation : Abordez votre rénovation comme un architecte : pensez votre maison comme un système cohérent et interdépendant, et non comme une simple liste de travaux à cocher.

Votre facture d’Hydro-Québec vous donne des sueurs froides chaque hiver ? Vous sentez des courants d’air près des fenêtres et certains murs sont glacials au toucher ? Bienvenue dans le quotidien de centaines de milliers de propriétaires québécois dont la maison est une « passoire énergétique ». Face à cette situation, le réflexe commun est de se jeter sur les catalogues de thermopompes dernier cri ou de multiplier les demandes de subventions. On parle d’isoler le grenier, de changer les fenêtres, d’installer un nouvel appareil de chauffage. Ces actions sont valables, mais souvent abordées dans le désordre, comme des pansements sur une hémorragie.

Cette approche par « checklist » est la principale raison des rénovations décevantes et coûteuses. Elle ignore une vérité fondamentale : une maison n’est pas une collection de pièces détachées, mais un organisme vivant. Elle respire, interagit avec le soleil, stocke la chaleur et gère l’humidité. La transformer en un havre de confort et d’économies demande plus qu’une liste de dépenses ; elle exige une vision, une stratégie. L’erreur n’est pas de vouloir une thermopompe performante, mais de la choisir avant d’avoir réduit la charge de travail que vous lui imposez.

Mais si la véritable clé n’était pas la puissance de votre fournaise, mais l’intelligence de votre enveloppe ? Et si, avant de produire de l’énergie, on cherchait à ne plus en avoir besoin ? C’est l’approche que je vous propose en tant qu’architecte spécialisé en rénovation durable. Nous allons déconstruire le mythe de la rénovation « coup par coup » pour la remplacer par une philosophie systémique. Pensez à votre maison non pas comme une passoire à colmater, mais comme un instrument de musique à accorder pour qu’elle joue la parfaite symphonie thermique.

Cet article vous guidera à travers les principes fondamentaux de cette transformation. Nous verrons pourquoi l’ordre des travaux est non négociable, comment des matériaux comme le chanvre peuvent faire « respirer » vos murs, comment dialoguer avec le soleil pour chauffer gratuitement votre intérieur, et enfin, comment viser l’objectif ultime de la maison Net Zéro au Québec, de manière réaliste et structurée.

Pour vous accompagner dans cette démarche stratégique, ce guide est structuré pour vous faire passer de la compréhension du problème à la maîtrise des solutions les plus performantes. Voici les étapes clés de notre parcours vers la sobriété et la performance énergétique.

Pourquoi isoler avant de changer de fournaise est la règle d’or de l’économie d’énergie ?

C’est la première décision, la plus contre-intuitive et pourtant la plus rentable de toute rénovation énergétique. Investir dans un système de chauffage surpuissant pour une maison qui fuit de partout, c’est comme essayer de remplir une baignoire percée en ouvrant le robinet au maximum : vous gaspillez une quantité phénoménale de ressources pour un résultat médiocre. La logique architecturale impose l’inverse : réduire le besoin avant de choisir la solution pour y répondre. Isoler et étanchéifier l’enveloppe de votre bâtiment est la pierre angulaire de la sobriété passive. En diminuant drastiquement les pertes de chaleur, vous réduisez la « charge de travail » de votre futur système de chauffage.

Cette approche a un double avantage financier. Premièrement, elle génère des économies immédiates et substantielles. En effet, une demeure bien isolée permet de réaliser entre 10% et 50% d’économies sur les factures de chauffage. Deuxièmement, un besoin de chauffage plus faible vous permet d’opter pour un équipement (thermopompe, fournaise) moins puissant, et donc moins cher à l’achat. Le surdimensionnement des équipements est un fléau coûteux qui entraîne des cycles de fonctionnement courts et inefficaces, usant prématurément le matériel. La Régie du bâtiment du Québec estime d’ailleurs que les nouvelles exigences d’efficacité permettent une amélioration de 27,9% de la performance énergétique globale par rapport aux anciennes normes, en grande partie en évitant ce surdimensionnement.

Le programme Rénoclimat, référence en la matière au Québec, formalise cette priorité à travers sa méthodologie. La démarche est claire et logique, assurant que chaque dollar investi ait un impact maximal :

  • Étape 1 : Obtenir une évaluation ÉnerGuide pré-travaux pour identifier précisément les faiblesses thermiques de votre maison (fuites d’air, zones non ou mal isolées).
  • Étape 2 : Réaliser en priorité les travaux correctifs sur l’enveloppe : isolation et étanchéité. C’est le moment de traiter le toit, les murs, les fondations et de colmater les fuites d’air.
  • Étape 3 : Seulement après ces améliorations, dimensionner et installer le nouveau système de chauffage, qui sera parfaitement adapté aux besoins désormais réduits de la maison.

En suivant cet ordre, vous ne vous contentez pas de remplacer un appareil : vous transformez la performance intrinsèque de votre maison, créant ainsi une véritable symphonie thermique où l’énergie est conservée et non gaspillée.

Normes 1980 vs Aujourd’hui : votre maison est-elle une passoire thermique illégale ?

Le terme « passoire thermique » peut sembler excessif, mais il décrit une réalité technique bien tangible pour la majorité du parc immobilier québécois construit avant les années 2000. Si votre maison date des années 1980, elle n’est pas « illégale » au sens juridique, mais son enveloppe est si peu performante au regard des standards actuels qu’elle serait interdite de construction aujourd’hui. Comprendre cet écart est la première étape pour diagnostiquer l’ampleur du problème et visualiser le chemin à parcourir.

Le Code de construction du Québec a drastiquement renforcé ses exigences en matière d’efficacité énergétique, notamment avec la norme entrée en vigueur en 2012. Les niveaux d’isolation requis (mesurés en valeur R, pour la résistance thermique) ont parfois plus que doublé. Une maison des années 80 avec des murs en 2×4 pouvait difficilement dépasser une isolation R-12. Aujourd’hui, la norme exige R-29, soit plus du double de performance. C’est un fossé immense qui explique pourquoi votre chauffage semble fonctionner en continu durant les grands froids.

Ce tableau comparatif, basé sur les données évolutives du Code de construction, illustre l’ampleur du décalage. Il met en lumière les zones les plus critiques de votre maison qui nécessitent une attention prioritaire.

Évolution des normes d’isolation minimales au Québec (Valeurs R)
Composant Norme 1983 Norme 2012 Norme 2024 (visée)
Murs hors-sol R-12 R-24,5 R-29
Toiture/Combles R-30 R-41 R-51
Fondations Non requis R-12,5 R-17
Dalle sur sol Non requis R-5 R-5 min

Le constat est sans appel : les fondations et les dalles de béton, autrefois complètement négligées, sont aujourd’hui reconnues comme des sources majeures de déperdition thermique. Si votre sous-sol n’est pas isolé, vous chauffez littéralement la planète. Pour évaluer rapidement la performance de votre propre maison, vous pouvez réaliser un premier auto-diagnostic simple avant même de faire appel à un évaluateur Rénoclimat.

Votre checklist d’auto-diagnostic thermique

  1. Inspection des combles : Montez dans votre grenier et mesurez l’épaisseur de l’isolant en vrac. Si vous avez moins de 12 pouces (30 cm), votre isolation (R-41) est largement sous-performante par rapport à la cible R-51.
  2. Identification des murs : Déterminez si vos murs extérieurs sont construits avec des montants de 2×4 ou de 2×6. Une structure en 2×4 limite physiquement l’isolation à environ R-12, ce qui est très insuffisant.
  3. Examen des fenêtres : Observez vos fenêtres à double vitrage. Si vous voyez de la condensation ou un aspect laiteux entre les deux vitres, le sceau est brisé et le gaz isolant s’est échappé. Leur performance est devenue quasi nulle.
  4. Analyse du sous-sol : Touchez les murs de fondation en béton. S’ils sont froids et nus, sans aucun panneau isolant rigide à l’intérieur ou à l’extérieur, vous subissez des pertes thermiques massives.
  5. Mesure des écarts de confort : Utilisez un simple thermomètre pour mesurer la température dans différentes pièces. Un écart de plus de 3°C entre la pièce la plus chaude et la plus froide est un symptôme clair d’un problème d’isolation et/ou de fuites d’air.

Cellulose ou chanvre : quel isolant offre la meilleure performance thermique et environnementale ?

Une fois le diagnostic posé et la décision d’isoler prise, le choix du matériau est déterminant. Oubliez la simple course à la valeur R la plus élevée. Un isolant performant dans le contexte québécois doit répondre à un cahier des charges plus complexe : il doit bien sûr isoler du froid, mais aussi protéger de la chaleur estivale, gérer l’humidité et présenter un bilan environnemental favorable. C’est ici que les isolants biosourcés, comme la cellulose et le chanvre, se distinguent nettement des options conventionnelles.

La fibre de cellulose, fabriquée à partir de papier journal recyclé, est une championne du rapport performance-prix au Québec. Elle est insufflée dans les cavités des murs et des toits, remplissant chaque recoin pour créer une barrière thermique et acoustique très efficace. Son principal avantage est sa capacité à « tamponner » l’humidité sans perdre ses propriétés isolantes, un atout majeur dans notre climat. De plus, elle stocke le carbone et détourne des tonnes de papier des sites d’enfouissement. L’impact sur le confort et les factures est significatif, comme le démontre l’expérience des propriétaires québécois.

Étude de cas : Performance de la cellulose en rénovation au Québec

Selon des données compilées sur le marché québécois, les propriétaires qui optent pour une isolation complète à la cellulose peuvent constater une réduction de leurs coûts de chauffage allant de 50% à 70% à long terme. En atteignant des valeurs d’isolation réelles entre R-22 et R-32 dans les murs, la cellulose transforme radicalement le confort. Un avantage secondaire particulièrement apprécié dans les plex montréalais est son excellente performance acoustique, qui réduit considérablement la transmission des bruits entre les logements.

Le chanvre, de son côté, est souvent considéré comme le matériau d’avenir pour l’enveloppe du bâtiment. Cultivé localement avec peu d’eau et sans pesticides, il offre une performance thermique similaire à celle de la cellulose, mais avec une capacité de régulation de l’humidité encore supérieure. Sa grande force réside dans son déphasage thermique : il met beaucoup plus de temps à transmettre la chaleur estivale vers l’intérieur, jouant un rôle de « climatiseur passif » naturel. Bien que son coût soit encore plus élevé, il s’inscrit dans une logique de durabilité et de résilience à long terme.

Le choix entre cellulose et chanvre dépendra de votre budget et de vos priorités (performance acoustique pour la cellulose, confort d’été pour le chanvre). Mais dans les deux cas, vous optez pour une solution qui participe à la « respiration du bâtiment », un concept clé pour une maison saine et performante.

Pourquoi le béton de chanvre offre une régulation d’humidité supérieure aux murs conventionnels ?

En poussant plus loin la logique des matériaux biosourcés, on arrive au béton de chanvre, une solution qui révolutionne la manière de concevoir un mur. Oubliez la superposition de couches distinctes du mur conventionnel québécois (laine, pare-air, pare-vapeur en plastique). Le béton de chanvre, un mélange de chènevotte (la paille du chanvre) et d’un liant à base de chaux, forme une paroi monolithique qui gère à la fois l’isolation thermique et, surtout, l’humidité de manière dynamique.

C’est là que réside sa supériorité fondamentale. Un mur standard est conçu pour être hermétique à la vapeur d’eau grâce au pare-vapeur en polyéthylène. C’est une stratégie qui fonctionne si elle est parfaitement exécutée. Mais à la moindre perforation ou au moindre défaut d’installation, l’humidité peut se retrouver piégée dans la cavité murale, menant à la condensation, la moisissure et la dégradation de la structure. Le béton de chanvre, lui, est perspirant. Il agit comme une éponge intelligente : il absorbe l’excès d’humidité de l’air intérieur lorsque celui-ci est trop humide (en hiver, à cause de la cuisson, des douches…) et le restitue lorsque l’air devient trop sec. Cette capacité de régulation hygrométrique passive assure un environnement intérieur plus sain et plus stable, tout en protégeant le bâti.

Cette philosophie est parfaitement résumée par les experts en construction durable, qui voient dans ce matériau un changement de paradigme.

Le béton de chanvre agit comme un vêtement technique qui respire, contrairement au mur conventionnel qui fonctionne comme un sac plastique. Il absorbe l’excès d’humidité et le restitue quand l’air s’assèche.

– Expert en construction durable, Guide des matériaux biosourcés au Québec

Au Québec, cette technologie est particulièrement pertinente pour l’isolation des murs de fondation, une zone notoirement sujette aux problèmes d’humidité. Des projets pilotes ont démontré son efficacité remarquable pour créer des sous-sols sains et confortables. En appliquant le béton de chanvre directement sur les fondations existantes, on obtient un système tout-en-un qui isole et régule l’humidité, rendant le pare-vapeur en plastique non seulement inutile, mais contre-productif. Les résultats en termes de performance et de résilience sont probants. Par exemple, une application en sous-sol peut atteindre une isolation R-17 tout en gérant l’humidité, ce qui, selon des observations, réduit les risques de moisissure de 70% comparativement aux solutions traditionnelles.

Comment un système Power-Pipe peut préchauffer votre eau gratuitement à chaque douche ?

Après avoir optimisé l’enveloppe du bâtiment, la prochaine étape de la symphonie thermique consiste à s’attaquer à l’efficacité des systèmes. L’un des plus grands postes de consommation énergétique dans une maison, après le chauffage, est la production d’eau chaude. Chaque douche que vous prenez envoie des litres d’eau chaude, et donc une précieuse énergie, directement à l’égout. Le système Power-Pipe est une technologie d’une simplicité géniale qui permet de récupérer une partie de cette énergie perdue.

Le principe est celui d’un récupérateur de chaleur des eaux grises (RCEG). Il s’agit d’un simple tuyau de cuivre vertical autour duquel un autre tuyau, plus petit et également en cuivre, est enroulé en spirale. Ce dispositif remplace une section de votre tuyau d’évacuation principal. Lorsque vous prenez une douche, l’eau chaude usée s’écoule le long de la paroi intérieure du gros tuyau, transférant sa chaleur au cuivre. Simultanément, l’eau froide qui alimente votre chauffe-eau et votre douche circule dans la spirale extérieure, se réchauffant au contact du tuyau chaud. Résultat : l’eau qui entre dans votre chauffe-eau n’est plus à 10°C, mais peut-être à 25°C. Votre chauffe-eau a donc beaucoup moins de travail à faire pour l’amener à la température désirée, ce qui se traduit par des économies directes sur votre facture d’électricité.

Vue en coupe d'un système Power-Pipe installé dans un sous-sol québécois typique

Ce système passif, sans aucune pièce mobile, ne demande aucun entretien et fonctionne à chaque fois que de l’eau chaude est utilisée. Son efficacité est particulièrement élevée lors d’utilisations simultanées, comme une douche pendant que le lave-vaisselle fonctionne. Hydro-Québec confirme que les participants à ses programmes peuvent économiser jusqu’à 20% sur leur facture de chauffage de l’eau grâce à de tels dispositifs. Pour une famille de quatre personnes, cela peut représenter plusieurs centaines de dollars par an.

Comparé à d’autres solutions de production d’eau chaude alternative comme le chauffe-eau solaire, le Power-Pipe offre un retour sur investissement beaucoup plus rapide, surtout dans le contexte québécois où l’ensoleillement hivernal est limité. Ce tableau, basé sur des analyses comparatives du marché québécois, met en évidence ses avantages.

Comparaison Power-Pipe vs Chauffe-eau solaire au Québec
Critère Power-Pipe Chauffe-eau solaire
Coût d’installation ($) 1000-2000 5000-8000
Économies annuelles (famille de 4) ($) 200-400 300-500
Retour sur investissement 3-5 ans 10-15 ans
Efficacité en hiver québécois Constante Réduite

L’intégration d’un Power-Pipe est un exemple parfait de sobriété intelligente : récupérer une énergie fatale qui, autrement, serait tout simplement gaspillée.

L’erreur de ne pas prévoir de protection solaire au sud qui augmente vos coûts de climatisation

Le dialogue avec le soleil est un art à double tranchant au Québec. En hiver, le soleil bas sur l’horizon est une source de chauffage gratuite et bienvenue qui pénètre profondément dans nos maisons par les fenêtres orientées au sud. C’est le principe du gain solaire passif. Cependant, en été, ce même soleil, beaucoup plus haut dans le ciel, peut rapidement transformer votre salon en fournaise, faisant exploser vos besoins en climatisation et annulant une partie des gains de votre isolation.

L’erreur la plus commune dans les rénovations est de se concentrer uniquement sur la performance hivernale et d’ignorer le confort d’été. Ne pas prévoir de protection solaire adaptée sur les façades sud et ouest est une omission coûteuse. La solution la plus élégante et efficace est architecturale : il s’agit de l’avancée de toit ou de l’auvent fixe, calculé avec précision. L’angle et la profondeur de cet élément sont conçus pour bloquer complètement les rayons du soleil d’été, haut dans le ciel, tout en laissant passer les rayons du soleil d’hiver, plus bas et plus rasants.

Façade sud d'une maison québécoise avec auvent optimisé bloquant le soleil d'été

Comme le montre cette illustration, une protection solaire bien conçue crée une zone d’ombre protectrice sur vos fenêtres durant les mois les plus chauds, réduisant drastiquement la surchauffe intérieure. C’est une forme de climatisation passive, qui ne consomme aucune énergie. Contrairement à des stores intérieurs qui bloquent la chaleur une fois qu’elle a déjà traversé le vitrage, une protection extérieure l’arrête avant même qu’elle n’entre dans la maison, ce qui est beaucoup plus efficace.

Pour les façades ouest, où le soleil de fin d’après-midi est très bas et difficile à bloquer avec une avancée de toit, d’autres solutions sont à privilégier. Les protections solaires végétales (arbres à feuilles caduques) sont idéales : leur feuillage dense offre une ombre bienvenue en été, puis tombe en automne pour laisser passer la lumière et la chaleur en hiver. Des brise-soleil verticaux peuvent également être une option architecturale intéressante. Ignorer cette gestion solaire, c’est se condamner à un dilemme : soit subir un inconfort majeur en été, soit payer une facture d’électricité élevée pour la climatisation. Une maison véritablement performante est confortable toute l’année.

Quelle masse thermique ajouter pour stocker la chaleur solaire et lisser les températures ?

Gérer les gains solaires passifs, c’est bien. Les stocker pour les réutiliser plus tard, c’est encore mieux. C’est le rôle de la masse thermique, un concept souvent sous-estimé mais pourtant fondamental dans la conception d’une maison passive ou à haute efficacité. La masse thermique fait référence à la capacité des matériaux denses (béton, brique, ardoise, gypse) à absorber, stocker et restituer lentement la chaleur. C’est ce qu’on appelle l’inertie thermique.

Dans une maison québécoise bien conçue, la masse thermique agit comme une batterie thermique. Durant une journée d’hiver ensoleillée, les rayons du soleil qui entrent par les fenêtres orientées au sud frappent un plancher de béton poli ou un mur de briques. Ces matériaux absorbent la chaleur au lieu de laisser l’air de la pièce surchauffer. Puis, à la tombée de la nuit, lorsque la température extérieure chute, la masse thermique restitue doucement la chaleur accumulée, lissant les variations de température et réduisant le besoin de faire appel au système de chauffage. C’est une inertie thermique bienveillante qui augmente considérablement le confort et la résilience de la maison.

Étude de cas : Intégration de masse thermique en rénovation

Une rénovation récente au Québec a illustré l’impact de cette stratégie. En combinant le remplacement de vieilles fenêtres par des modèles performants et l’ajout d’un plancher d’ardoise foncée sur une dalle de béton existante dans la zone de vie principale orientée au sud, les propriétaires ont fait passer le coefficient de performance de leurs surfaces de 2,5 à 1,1 (coefficient U). Au-delà des économies d’énergie, le principal bénéfice ressenti a été une stabilisation des températures intérieures, lissant les écarts jour/nuit de 5°C en moyenne sans intervention du thermostat.

Ajouter de la masse thermique dans une rénovation n’implique pas forcément des travaux lourds. Il existe des solutions astucieuses et abordables pour intégrer ce principe, même avec un petit budget. L’important est de placer la masse là où elle sera directement exposée au soleil hivernal.

  • Option 1 (Budget limité) : Poser un carrelage de céramique ou d’ardoise de couleur foncée directement sur la dalle de béton existante dans les pièces les plus ensoleillées.
  • Option 2 (Esthétique et fonctionnel) : Construire un muret ou un parement de briques récupérées sur le mur intérieur faisant face aux fenêtres sud. Il devient un élément décoratif qui travaille pour vous.
  • Option 3 (Solariums et vérandas) : Si vous avez un solarium ou une véranda 3 saisons, remplacer le plancher par de l’ardoise ou une autre pierre naturelle en fera un capteur et un accumulateur de chaleur très efficace pour préchauffer l’air de la maison.

Intégrer de la masse thermique, c’est la touche finale de la symphonie passive : après avoir réduit les pertes et optimisé les gains, on apprend à conserver cette énergie gratuite pour un confort durable.

À retenir

  • La priorité absolue est de réduire les besoins énergétiques via l’isolation et l’étanchéité avant d’investir dans un système de chauffage.
  • Le choix de matériaux biosourcés et perspirants comme la cellulose ou le chanvre améliore non seulement l’isolation thermique mais aussi la gestion de l’humidité et le confort d’été.
  • La performance d’une maison se joue sur 12 mois : il est aussi crucial de se protéger du soleil d’été (auvents) que de capter sa chaleur en hiver (masse thermique).

Maison Net Zéro au Québec : est-il possible de produire autant d’énergie que vous en consommez ?

L’objectif « Net Zéro » (ou carboneutre) fascine : une maison qui produit, sur une base annuelle, autant d’énergie qu’elle en consomme. Au Québec, avec nos hivers rigoureux, est-ce une utopie ou un objectif réaliste en rénovation ? La réponse est oui, c’est possible, mais à une condition sine qua non : respecter scrupuleusement la pyramide de la performance énergétique. Tenter d’atteindre le Net Zéro en installant simplement une montagne de panneaux solaires sur une passoire thermique est une aberration économique et écologique.

Le véritable chemin vers le Net Zéro est une démarche de sobriété d’abord. C’est l’aboutissement de toutes les stratégies que nous avons vues précédemment. La production d’énergie renouvelable (le plus souvent par des panneaux photovoltaïques) n’est que la cerise sur le gâteau, la touche finale d’une symphonie thermique parfaitement accordée. Une maison « Prête pour le Net Zéro » (Net Zero Ready) est une maison si performante qu’il ne lui faut qu’une petite quantité d’énergie pour combler ses besoins, quantité qui peut alors être facilement produite sur place. Cette approche est la seule qui soit viable et résiliente.

La pyramide de la performance énergétique, popularisée par les experts en construction durable, illustre parfaitement cette hiérarchie des priorités. Chaque niveau doit être solidement construit avant de passer au suivant.

  1. Niveau 1 – Sobriété (La base) : C’est le niveau le plus important. Il consiste à réduire la demande à la source par une isolation extrême (viser R-60 au toit, R-40 aux murs) et une étanchéité à l’air quasi parfaite, validée par un test d’infiltrométrie.
  2. Niveau 2 – Sources passives : Maximiser l’utilisation des énergies gratuites. Cela inclut l’optimisation des gains solaires passifs en hiver, le contrôle solaire en été, et l’intégration de masse thermique pour stocker et restituer cette énergie.
  3. Niveau 3 – Efficacité des systèmes : Une fois les besoins réduits au minimum, choisir les équipements les plus performants du marché : thermopompe à très haute efficacité pour le peu de chauffage requis, ventilateur-récupérateur de chaleur (VRC) pour assurer une excellente qualité d’air sans pertes thermiques, et appareils électroménagers certifiés Energy Star.
  4. Niveau 4 – Production d’énergie (Le sommet) : C’est seulement à cette étape que l’on considère l’installation de panneaux solaires photovoltaïques. La surface requise sera alors beaucoup plus petite et l’investissement bien plus raisonnable que sur une maison non optimisée.
  5. Niveau 5 – Stockage (Optionnel) : L’ajout de batteries de stockage d’énergie est une considération de résilience (pour les pannes d’Hydro-Québec, par exemple) plus que de performance nette annuelle. Ce n’est envisageable qu’une fois les quatre autres niveaux maîtrisés.

En suivant cette pyramide, le Net Zéro devient non seulement possible, mais logique. Vous créez d’abord une forteresse thermique confortable et sobre, puis vous lui donnez les moyens de son autonomie.

En adoptant cette vision systémique, vous ne vous contentez pas de rénover votre maison ; vous la réinventez. Pour mettre en application ces stratégies et obtenir une analyse adaptée à votre situation spécifique, la première étape est de faire réaliser une évaluation énergétique par un conseiller accrédité.

Questions fréquentes sur la rénovation d’une passoire énergétique au Québec

Rédigé par Guillaume Guillaume Pelletier, Consultant en bâtiment durable, accrédité LEED et Passivhaus. Spécialiste des matériaux biosourcés et de la construction écologique.